Chronique du concert à Jazz in Marciac 2022

Publié le 04 Nov 2023 dans : Actualités

Guillaume Nouaux Trio

44e Jazz in Marciac, Le 1er août fut un événement…prévisible pour les amateurs de jazz respectueux de ses fondamentaux: traitement particulier du son dit hot (Jérôme Gatius)+traitement spécifique du rythme, c’est à dire le swing (tout le Guillaume Nouaux trio). C’était en effet un concert d’un niveau superlatif donné par Jérôme Gatius (cl), Alain Barrabès (p) et Guillaume Nouaux (dm, ld). Débuté par «South Side Strut» de Don Ewell (qui l’a gravé avec Darnell Howard et Minor Hall, 1956), le programme de ces artistes a couvert toute la diversité du genre: de Morton-Simeon-Benford avec «Shreveport Stomp» (1928) à «Stealin’ Apples» de Fats Waller qui évoquait le trio Goodman-Wilson-Krupa (solo de batterie et alternative clarinette-drums). Pour ceux, désormais nombreux qui ne comprennent pas ce qu’un traitement particulier du son veut dire (vibrato, gliss, trilles, smear,…), Jérôme Gatius, hissé au top des clarinettistes de jazz traditionnel français, en a donné une démonstration parfaite, sous-tendue par une technique poussée (contrôle de la colonne d’air, homogénéité des registres, aigus puissants, graves généreux comme ceux d’un Jacques Gauthé). Gatius a donné une belle version du «Burgundy Street Blues» (et merci à Guillaume qui présente chaque morceau avec des détails redevenus utiles, comme ici sur Bill Russell). Le «Canal Steet Blues» fut d’un swing incontournable (drumming varié et non obstructif derrière Barrabès, solo à la Zutty). Les trilles de Gatius dans «Buddy Bolden Blues» auraient rendu Jimmie Noone jaloux. Je me souviens, à Marciac, du jeune Guillaume dont je fis grand cas dans le Sweet Jazz Band avec Jacques Gauthé (2000) et hommage fut rendu à ce merveilleux clarinettiste dans une composition qu’il lui dédia («I love You When You Take the Bus» enregistré par Fred Dupin). Pas mieux que Gatius pour évoquer Gauthé! Autre clarinettiste sollicité, Evan Christopher dans un medley de deux de ses compositions («Waltz for All Souls/Nouaux-Leans Strut») qui fut un très grand moment, tout spécialement le premier titre sur tempo lent comme un dirge (funèbre) dans lequel Jérôme Gatius couplant le caractère vocal de sa sonorité et une ferveur expressive a été grandiose. Alain Barrabès a aussi démontré l’étendue de son talent allant du stride («Crazy Rhythm» en solo, avec quelques traits dignes de Tatum dans l’introduction) au boogie («St Louis Blues» qui fit bien sentir la différence rythmique entre habanera et swing). Barrabès a plaqué les accords de repère en duo avec maître Guillaume Nouaux qui nous a joué en mélodiste «Moanin’» de Bobby Timmons (quelques roulements dignes d’Art Blakey). Avec un peu d’attention on pouvait aussi constater que le solo de Guillaume Nouaux dans «Jubilee» était construit en mélodiste (paraphrase de la mélodie, développement et retour au thème!). Le début de cet arrangement était un duo drums-clarinette dans la tradition «Sing, Sing, Sing» de Goodman (trille à la Noone et superbe stride). Cette interprétation a déclenché un triomphe très mérité.
Michel Laplace.